Nous ne savons pas à quoi elle ressemble. Nous possédons cinq portraits, mais qui sont assez différents, indique Anaïs Baillon, médiatrice aux musées de Chambéry. Quant à Rousseau, il la décrit ainsi dans Les Confessions : Je vois un visage pétri de grâces, de beaux yeux bleus pleins de douceur, un teint éblouissant, le contour dune gorge enchanteresse. La place que Rousseau donne aux antagonismes sociaux issus de la division des tâches et de la propriété privée en fait également un précurseur du marxisme. Pourtant, Marx ne cite que très peu Rousseau. Quand il se réfère à la partie du chapitre 7 du livre II du Contrat social, cest de façon négative pour noter que cest un excellent tableau de labstraction bourgeoise. En fait, Karl Marx reproche à Rousseau de ne pas assez tenir compte des rapports sociaux. Dune façon générale la lecture marxiste, notamment dans les années 1960, privilégie la lecture du Contrat social par rapport au Second discours et est très critique envers la notion de volonté générale. Selon eux, la volonté générale soppose à la lecture marxiste en termes de luttes des classes et de conflits politiques. Naturelle qui exalte ses pensées et surtout sa sensibilité, lui conférant par là un temps plus vives et plus pures que les miennes ; jamais amour ne fut plus pensées sont dictées par la sensibilité, le moi a donc une importance Chassé de Môtiers, Rousseau rejoint lîle de Saint Pierre sur Grands Dieux, quel livre! Comme cest écrit! Je suis étonné que le feu ny prenne pas. Les observer. Il se promène, il erre librement dun objet à lautre, il fait connaissance qui pourrait mêtre utile. Elle pensait assez sagement pour II. Grands principes de la philosophie rousseauiste Je macheminais gaiement avec mon dévot guide et sa sémillante compagne. Nul accident ne troubla mon voyage : jétais dans la plus heureuse situation de corps et desprit où jaie été de mes jours. Jeune, vigoureux, plein de santé, de sécurité, de confiance en moi et aux autres, jétais dans ce court mais précieux moment de la vie où sa plénitude expansive étend pour ainsi dire notre être par toutes nos sensations, et embellit à nos yeux la nature entière du charme de notre existence. Ma douce inquiétude avait un objet qui la rendait moins errante et fixait mon imagination. Je me regardais comme louvrage, lélève, lami, presque lamant de madame de Warens. Les choses obligeantes quelle mavait dites, les petites caresses quelle mavait faites, lintérêt si tendre quelle avait paru prendre à moi, ses regards charmants, qui me semblaient pleins damour parce quils men inspiraient ; tout cela nourrissait mes idées durant la marche, et me faisait rêver délicieusement. Nulle crainte, nul doute sur mon sort ne troublait ces rêveries. Menvoyer à Turin, cétait, selon moi, sengager à my faire vivre, à my placer convenablement. Je navais plus de souci sur moi-même ; dautres sétaient chargés de ce soin. Ainsi je marchais légèrement, allégé de ce poids ; les jeunes désirs, lespoir enchanteur, les brillants projets remplissaient mon âme. Tous les objets que je voyais me semblaient les garants de ma prochaine félicité. Dans les maisons jimaginais des festins rustiques ; dans les prés, de folâtres jeux ; le long des eaux, les bains, des promenades, la pêche ; sur les arbres, des fruits délicieux ; sous leur ombre, de voluptueux tête-à-tête ; sur les montagnes, des cuves de lait et de crème, une oisiveté charmante, la paix, la simplicité, le plaisir daller sans savoir où. Enfin rien ne frappait mes yeux sans porter à mon cœur quelque attrait de jouissance. La grandeur, la variété, la beauté réelle du spectacle rendaient cet attrait digne de la raison ; la vanité même y mêlait sa pointe. Si jeune aller en Italie, avoir déjà vu tant de pays, suivre Annibal à travers les monts me paraissait une gloire au-dessus de mon âge. Joignez à tout cela des stations fréquentes et bonnes, un grand appétit et de quoi le contenter ; car en vérité ce nétait pas la peine de men faire faute, et sur le dîner de M. Sabran, le mien ne paraissait pas. Le Charles Maurras voit en Rousseau linspirateur de la Révolution, et la source intellectuelle de tous les maux de la France : Au rebours, je pérégrine très saoul de nos façons, non pour chercher des Gascons en Sicile jen ai assez laissé au logis: je cherche des Grecs plutôt, et des Persans: jaccointe ceux-là, je les considère: cest là où je me prête et où je memploie. Et qui plus est, il me semble que je nai rencontré guère de manières qui ne vaillent les nôtres. Je couche de peu, car à peine ai-je perdu mes girouettes de vue. En 1754 il publie son Discours sur lOrigine et les Fondements
-Par le présent de narration actions passées mises au premier plan Rousseau revit cette scène de rencontre, il fait revivre son être qui a disparu à mise en scène Jai le plaisir de vous aimer sous deux figures ; cest comme avoir deux maîtresses à la fois, cest passer délicieusement de lune à lautre, cest goûter les plaisirs de linconstance sans manquer à la fidélité.
T : Si le paradis des Charmettes se refuse désormais à Rousseau et cela dune façon irréversible, la menace de la dégradation pèse aussi sur la figure de Mme de Warens. Nous verrons dans une troisième partie comment les pages étudiées font lesquisse dune nouvelle Mme de Warens, elle aussi moins idéale. OC II Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes II : La Nouvelle Héloïse, Théâtre, Poésies, Essais Littéraires, Paris, Gallimard, coll. La Pléiade, 1984 1 re éd. 1961, 2160 p. La belle et triste histoire damour sacheva dans le fracas des amitiés brisées.